dimanche 4 novembre 2007

L'orphelinat de Cu Chi et soeur Hoang Bich

J'avais contacté soeur Bich peu après mon arrivée et elle était très occupée. Nous nous rencontrons enfin ce jeudi 25 oct, soit mon 6ème jour.
---L’itinéraire :
Sœur Bich a téléphoné ce matin pour nous annoncer la venue d’un jeune homme de 21 ans du nom de Thieng à 9H comme convenu. "La route sera un peu longue et l'endroit difficile à trouver seul" me dit-elle "Thieng vous accompagna jusqu'à l’orphelinat de Cu chi". On a donc pris le taxi jusqu’au marché de Banh Thanh (10mn), de là on est monté dans le bus no 13, une heure de route (quand la circulation est fluide), en passant par la rue Truong Chin Q13 Q12, sous un pont à rayures rouge-blanc, une grande route Quoc Lô 22, à côté d'une grande et vieille pagode. Peu à peu, la route devient monotone, on traverse la campagne. Le bus s'arrête aux stations sur demande des passagers, ralentit son allure pour faciliter la montée-descente et essaie de ne pas s'arrêter complètement pour ne pas perdre de temps !
Enfin arrêt à la station appelée Tram Viet Kieu-nga 3- adresse Nha Thien Phuc Lô 10-. Il pleuvait des cordes. On était à la campagne et pas encore à l’orphelinat apparemment. Je commençais à m’inquiéter. Quand Thieng passa un coup de téléphone à un ami pour venir nous chercher tous les trois en mobylette, j’ai été un peu effrayée par la longueur du trajet. Les mobylettes sont arrivées peu de temps après et nous avons traversé le village qui se trouvait en fait à 10 mètres de la station de bus, encore un kilomètre le long des petites maisons et magasins puis 9ème ou dixième rue à gauche, cinq cents mètres de terre boueuse et nous voilà enfin devant un grand portail métallique gris se trouvant sur la gauche du chemin. Une jeune fille prénommée Trâm nous ouvra les portes et nous fîmes enfin connaissance avec la religieuse, sœur Hoang Bich, une femme de 39 ans, visage aux traits très sympathiques, le courant est tout de suite passé entre nous. On ressentait de la sincérité et de la simplicité.

---Description du refuge :
Le refuge est composé d’un premier grand bâtiment aux murs bleus, élevé sur deux étages, on traverse le hall d’entrée où sont garées deux mobylettes dont une en piteux état, s’ensuivent la chambre de sœur Bich puis :
- le salon d’accueil avec quelques canapés, une table basse
- la salle à manger qui fait aussi salle de travail
- un local avec quelques ordinateurs, en panne
- une salle de couture
- une petite salle de jeux et de travail (lecteur de cassette en panne, quelques livres et des crayons)
- Au second étage, on y trouve la salle de bain, d’autres chambres, un dortoir et la salle des prières.
- Au fond du bâtiment, se trouve la cuisine protégée par un toit en tôle et un élevage d’une vingtaine de cochons : trois truies, onze petits 'Babe' de deux semaines, environ sept Babe de deux mois et deux de cinq mois, ces derniers seront pour la consommation et les autres seront probablement vendus. Il y a aussi deux chiens, cinq jeunes et adorables chiots dans la cour, deux lapins et ses sept petits dans une cage.
- Les dortoirs des filles forment un autre rectangle au centre du terrain et sur la gauche se trouvent ceux des garçons. Devant et derrière la bâtisse, il y a deux « jardins » avec quelques arbres qui donnent peu de fruits malheureusement (manguier, jaquier…). On sent que c’est bien tenu, propre, malgré le peu de moyens qu’ils ont. Voilà une première impression et description succincte du refuge, je rentrerai dans les détails par la suite.

---Terrain et construction :
Au départ, il s’agissait d’un terrain vague dans un petit village de campagne. Sœur Bich a demandé l’autorisation d’occuper ce terrain il y a sept ans pour accueillir les enfants pauvres et les orphelins des environs. La tâche n’a pas été facile, au début le 'maire' (si on peut l'appeler ainsi, je ne sais pas) avait refusé et demandé à ce que tous les enfants reviennent dans leurs propres familles quelque soient leurs conditions. Après négociation, sœur Bich a obtenu l’autorisation d’ouvrir un refuge moyennant une redevance pour l’occupation de ce terrain. Avec les dons des bienfaiteurs, la construction du bâtiment s’est déroulée sur 2 ans ½ , sœur Bich a acheté les matériaux de construction petit à petit, puis a monté les murs avec l’aide de tous les jeunes, certains venant des villages voisins. Bien sûr, pas d’embauche d’ouvriers possible, seul le chef de chantier a été payé pour obtenir de lui des instructions et des conseils techniques (nombres de sacs de ciment, de sable, épaisseur du sol, des murs,,,etc). Les jeunes ont ainsi appris le métier de bâtiment et la plomberie...

---L’organisation du refuge :
Après les présentations, nous avons rencontré quelques enfants venus nous saluer après la première demi-journée d’école. Sœur Bich a commencé à nous raconter la situation familiale de chacun de ces enfants, certains orphelins, d’autres comme si, parce que les parents ne peuvent pas s’en occuper, beaucoup sont handicapés, sourds et muets (25 sur 50). L’émotion était à son comble, je me suis bien retenue parfois, quelques larmes essayaient de sortir et de jaillir de mes yeux, je les retenais en vain. Mon pauvre Minh a pleuré comme une madeleine, il ne supporte pas de voir des enfants souffrir, cela lui fait rappeler aussi sa propre enfance après la chute de Saïgon.
- 11H30, sœur Bich nous invite à déjeuner dans la salle à manger avec tous les enfants présents, une vingtaine et les deux autres sœurs : sœur Thuy Anh la plus jeune d’entre elles et sœur Yuen. Elles assurent tout ainsi que le soutien scolaire. Le repas a été préparé par les enfants : du riz, une soupe, des légumes verts bouillis, une omelette, du porc caramélisé. Les enfants sont au nombre de 50 et ont entre 4 ans et 23 ans, le plus âgé est très handicapé physiquement (la polyo).
- Presque tous les enfants sont scolarisés, de la maternelle jusqu’au lycée. Les plus grands s’occupent et aident les plus petits, ils sont très solidaires. Ils sont logés, nourris, éduqués par les religieuses. Comme la vieille camionnette est tombée en panne récemment, les grands (18-23ans) doivent emmener les petits du primaire et du collège, deux par deux, à l’école sur la mobylette, le matin, le midi et le soir. Ceux qui sont au lycée prennent le vélo. Ils doivent se rendre à l’école du lundi au vendredi, souvent le samedi et dimanche pour certains. Ils ont des cours d’anglais à partir du collège mais leur niveau est très faible. Les sœurs font de leur mieux pour les aider dans leurs devoirs quotidiens mais en ce qui concerne l'anglais et l'informatique, elles ne peuvent les aider, c'est ce qui les contrarient le plus alors elles pensent faire venir un professeur d'anglais deux-trois fois par semaine (1000 000 dông par mois soit 50 euro).
- Les enfants vont à la salle des prières trois fois par jour à tour de rôle, selon leur emploi du temps, aident aux tâches ménagères, au lavage du linge, à la cuisine, à la vaisselle. Ils se douchent tous les soirs après l’école et les plus jeunes prennent un yaourt (5000 dông) deux fois par jour.
- Certaines jeunes filles ont des cours de couture au rez-de-chaussée. Des petites entreprises textiles, afin d’aider l’orphelinat, apportent des tissus et des modèles pour la confection de chaussettes bébés par exemple, et les filles s’entraînent en même temps à la couture.
- Des jeunes de 18-23 suivent des cours d’électricité en lycée professionel ou d'informatique à l'université, s’occupent aussi de la maintenance du bâtiment. Quelques jeunes apprennent à utiliser Excel afin d’être plus opérationnels à la fin de leurs études mais les deux PC sont en panne. Ce sont des machines rassemblées avec différentes pièces par les vendeurs et achetées d’occasion pour 1 500 000 dông (75 euro).
- Les dortoirs sont composés de cinq à six lits, pas d’autres meubles. Juste des lits en bois, sans matelas.
- Le dimanche, ils ont la possibilité de regarder la télévision sur le vieux poste se trouvant dans le local informatique et de lire des romans. La semaine est consacrée entièrement aux études scolaires. La vie est assez difficile pour tous alors les études sont ce qu’il y a de plus important pour leur avenir. Je pense qu’ils en sont conscients.
Juste avant notre départ, un incident s’était produit et sœur Bich était très contrariée : un des enfants sourds venait de casser son appareil auditif. Ces appareils coûtent chers et ont été achetés d’occasion par l’intermédiaire d’une association à Saïgon. Ils se font rares sur le marché. Cet enfant ne va rien entendre en classe et sera en retard dans le programme scolaire. Je ne sais comment aider sœur Bich à ce moment, et je pense à mon budget limité pour vivre ici. Comment leur acheter ce dont ils ont besoin? C’est pourtant vital

---Les problèmes de sécurité :
Nous sommes dans un village pauvre avec un fort taux de chômage, les hommes s’adonnent à l’alcoolisme, aux jeux. De ce fait, le refuge a fait l’objet de multiples cambriolages. Des vols de voisinage qui effraient les enfants. Ont été volés : les poules, tous les canards, des casseroles, la pompe à eau, du fil électrique, du grillage...les policiers ne peuvent rien faire contre cela.
Sœur Bich a acheté des néons d’occasion pour éclairer la cour avant et arrière, la pose de ces néons est rendue difficile par l’absence de fils électriques et d’outils de bricolage, ils possèdent seulement une paire de ciseaux et un tournevis.
Les chiens donnent l’alerte la nuit en cas d’intrusion mais il n’y a pas assez de lumière pour apercevoir les cambrioleurs.
Selon mon observation, voici une liste des choses importantes dont ils ont besoin, mais il y en aura sûrement d'autres que je noterai au fur et à mesure de mes visites:


---Les besoins du refuge :
- Une boîte à outils complète avec des vis et des clefs numérotées
- Réparation ou achat d’un appareil auditif : la paire 5 000 000 dông (250 euro) ou pour une seule oreille 2 500 000
- Une tondeuse pour couper les cheveux des garçons, une coupe chez le coiffeur du village coûte 5000-7000 dông
- La réparation de la camionnette pour emmener les enfants à l’école
- Un système pour pomper l’eau et le filtrage
- Un vélo 800 000 dông le moins cher (soit 40 euro) : certains sont en piteux états, manque le frein, manque une pédale
- Réparation des deux ordinateurs - achat d'un PC neuf par Minh
- Des médicaments, sirops : rhume, fièvre...
- Des jeux de coloriage et des crayons pour l’apprentissage des couleurs: ok fait
- Des images d’animaux, de fleurs,,,etc
- Des livres pour enfants, des dico AN/VN et FR/VN

Les enfants n'étant disponibles que le week-end, je m’y rendrai donc le samedi et/ou dimanche pour leur donner des cours de soutien et leur apprendre des jeux.
Sœur Bich a également besoin de mon aide pour l’apprentissage du français parce qu'elle a presque tout oublié. Minh se rendra avec moi à Cu Chi afin de donner des cours sur le PC aux plus âgés d’entre eux.

Minh m’a avoué par la suite qu’il aimerait bien tous les parrainer pour au moins financer leurs études jusqu'à ce qu'ils aient un métier. Les frais d'études sont insignifiants par rapport à notre vie en France.

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